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Expérience de collectif

Retour d'expériences et réflexions pour améliorer nos pratiques

Quand le colonialisme se reconstruit

dans – La Nuée révélée

"Pour tenter de comprendre comment dans nos milieux écologistes, éveillés, allumés par la communication non violente et la déconstruction du colonialisme, nous arrivons encore à le reconstruire.

Ce phénomène de domination des uns sur les autres se reproduit partout et à toutes les échelles, des groupes humains, du plus petit club de scrabble à l’empire Américain … avec beaucoup de régularité et d’épisodes tragiques dans l’histoire humaine.

Il se reconstruit aussi dans nos projets de vie alternative, ou éveillée. On peut dire que c'est banal, nous sommes des groupes humains comme les autres après tout. Mais c'est aussi une grande tristesse. Je l'appelle ici Colonialisme parce qu'ils s'agit d'une prise de pouvoir de personnes qui ne vivent pas sur le site envers ceux qui y vivent. Tentons tout de même de comprendre ce qui se passe.

Mon intention n’est pas de condamner les personnes, mais de tenter de comprendre ce qui nous arrive, et comment tenter d'y échapper.

Contrairement à ce que nous pourrions penser nos intentions bienveillantes et démocratiques ne nous protègent pas de cette dérive. Dans l'histoire, bien des pays dits démocratiques, notamment la France, la Grande-Bretagne, les États-unis, Israël pour l'actualité plus récente l'on pratiqué avec une grande abomination. L’un des pères de l’école laïque et de l’identité républicaine, qui rendit l’école gratuite et obligatoire en France, “Jules Ferry”, a dit aussi : ”il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures”.

On voit là que, quand une personne croît tellement à sa mission (éducatrice, humaniste, démocratique, libérale, humaniste...), elle peut se croire permis de l’imposer à autrui, par la force et la coertition au besoin.

Au sein du Collectif la Nuée, les intentions sont aussi bonnes que la mission éducatrice de Jules Ferry, les l'ambition à la démocratie se concrétise par des procédures et des structures (cercles...) pour la mettre en oeuvre. Et le colonialisme se reconstruit ! Il se manifeste par des interventions insistantes à décider des détails de la vie du Collectif, par des gens qui n'y habitent pas et dans des réunions virtuelles. C'est cette façon de vouloir diriger les choses de l'extérieur que j'appelle la reconstruction du colonialisme.

La responsabilité n'appartient pas seulement à ces tyrans, elle est partagée par les personnes qui leur obéissent, et elles sont nombreuses. En 1575, Étienne de la Boétie, dans son “Discours de la servitude volontaire” observait l’histoire des cités greques et romaines. Il s’étonnait que le tyran n’existe que parce-que d’autres le servent. Il conclue en disant qu’il suffit d’être résolu à ne pas le servir pour que le tyran tombe. Ses observations de l'humanité font toujours sens aujourd'hui. Elles inspirent les mouvements anarchistes et de désobéissance civile notamment. J'y ai pensé quelques fois aussi quand je me suis posé des questions sur la façon adéquate de réagir aux prises de pouvoir que je qualifie de coloniales au Collectif la Nuée.

Dans le même esprit que La Boetie, Einstein aurait dit : "Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire."

Tout ceci s'applique à notre Collectif comme à de nombreux autres groupes humains. “Ma plus grande frustration ne vient pas de ceux qui empêchent l’épanouissement de notre Collectif, mais de ceux qui les laissent faire ou les servent”. Qu'une Sainte soif de pouvoir tente de répondre à ses besoins profondément inassouvis (comme on en a tous) en commettant des abus de pouvoir... c'est très ordinaire. Si ce n'étais cette personne là, c'est une autre qui prendrait ce rôle. Ce qui me peine le plus, c'est que les autres laissent faire, et bien souvent servent cette autorité auto-désignée.

Je tente de mettre en oeuvre la recommandation de Étienne de la Boétie : "il suffit d’être résolu à ne pas le servir pour que le tyran tombe". Je regrette que tant de personnes aient fui la difficulté. Il me semble que nous avons raté plusieurs opportunités de déconstruire ce colonialisme qui se mettait en place, en assumant de faire face au conflit en conscience.

Faute de l'avoir fait, ce Collectif est de plus en plus faible. L'enthousiasme dynamique que nous avions au début est tombé. De moins en moins de personnes sont impliquées, l'état des batiments se dégrade, les recette diminuent et les échéances financières se rapprochent.

Malheureusement, comme à plus grande échelle on se dit parfois qu'il est "plus facile d'imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme" Il deviens ici plus facile d'imaginer la fin de notre Collectif que la fin du système de pouvoir qui le condamne. J'ai de la peine, quand à moi, pas à me résoudre à laisser les choses se passer ainsi.

J’espère que mon histoire puisse devenir utile au lecteur qui veut participer à un projet de vie collective, que ce soit dans une forme d’écocommunauté, ou à toute autre échelle. ;-)

Suite au prochain épisode...