Il était une fois, il y a plus de 30 ans, j'avais gagné une planche à voile à la lotterie. C'est tout un jeu d'équilibre pour tenir dessus. D'abord, sortir la voile de l'eau en tirant sur le "bout", prendre la baume en main, remplir la voile de l'air du vent, et commencer à avancer. On tombe souvent à l'eau, mais c'est plaisant.
En amenant la voile vers l'arrière, on va remonter au vent, et en l'amenant vers l'avant on se rapproche du vent arrière ... jusque là, ça va. Le truc plus difficile, c'est le virement de bord. Il faut amener la voile vers l'arrière, faire le tour du mat par l'avant, et remplir la voile de vent de nouveau, de l'autre coté. Je crois que je n'ai presque jamais réussi sans tomber à l'eau, même par temps très calme.
Un beau jour, oui il faisait beau, je pars avec des amis, et ma planche à voile au bord de la mer. Un peu de vent et de vagues, de quoi avoir envie de s'amuser. Quel plaisir. J'avance assez vite, saute de vague en vague ; que du bonheur.
Peu de minutes après je me dis “tiens, tout droit c’est l’Amérique". Mais j,ai d,autres projets pour la fin de la journée, il faut que je penses à revenir. Je tente le demi tour, et comme d’habitude, je tombe à l’eau. Jusque là tout va bien.
Je met la planche dans la bonne direction, et je remonte dessus. Évidemment, il y a toujours des vagues, mais au lieu de servir de tremplin, elles risquent de me déstabiliser.
Comme je suis un gars malin, je trouve une solution : me tourner vers les vagues qui arrivent pour les voir arriver. Je me remet donc debout sur ma planche. Le petit malin avait fait une erreur : les vagues que je regardais arriver venaient du large, et moi je voulais aller de l'autre coté, vers la plage.
Il fallait trouver une autre solution pour me retourner et rester debout sur ma planche sans voir les vagues arriver. Mes jambes serviront d'amortisseurs pour accompagner les mouvements de ce qui se passe sous mes pieds pendant que moi, je reste stable. Ça marche. Pour le moment tout va encore assez bien ...
L'étape suivant de la procédure, c'est de ramasser le bout qui traîne dans l'eau et me permettra de relever la voile. Il faut se baisser. Les jambes, trop pliées, sont moins souples, mais je me redresse avec le bout dans la main.
Maintenant il va falloir sortir la voile de l'eau. D'habitude c'est facile il suffit de tirer sur le bout. Mais là le vent prend dans cette voile dont j'ai besoin, et secoue d'autant plus que je la sort, alors que le bas de la voile est encore dans l'eau. Un coup à droite, un coup à gauche, dans un rythme improbable, non synchrone avec le mouvement de la planche sous mes pieds. Mon but est encore de rentrer vers la plage, je dois tout de même reprendre cette voile en main.
La situation est particulière. Sous mes pieds, ça bouge, au gré des vagues ; et avec mes bras je dois reprendre le contrôle de cette voile qui faseye allègrement. C’est là que l’équilibre intérieur deviens un enjeu stratégique ! La solution que j’ai trouvé c’est de garder mon attention sur la stabilité de mon nombril. Le bas de mon corps s’adaptait aux mouvements de la situation (les vagues). Le haut de mon corps travaillait à faire ce qui devait être fait (sortir la voile de l’eau). Et moi, je m’appliquait à maintenir mon équilibre entre les deux, au niveau du nombril.
Vous avez compris, si je vous raconte ça aujoud'hui, c'est que cela a marché. encore une fois, j'ai survécu !
Quand la voile reprend bien le vent, je recommance à avancer, puis de plus en plus vite, je bondit de nouveau joyeusement de vague en vague vers la plage. À ce moment là, tout allait vraiment bien. J'y suis retourné, trois fois comme dans les comtes de fées. Puis, craignant que la fatique ne finisse par rendre l'exercice plus périlleux, je me suis arrêté.
Ce n'est que de nombreuses années plus, au sein du Collectif la Nuée que j’ai repensé à cette expérience comme une initiation.
J'en arrive à l'aventure humaine qui me concerne maintenant : celle du Collectif La Nuée. Mon expérience initiatique marine est à transposer :
- Ce ne sont pas les vagues qui bougent sous les pieds, c'est les réactions des autres qu'il faut accompagner sans se laisser déstabiliser.
- Ce n'est plus dans le nombril qu'il faut maintenir sa stabilité, c'est dans sa conscience.
- Ce n'est plus vers la plage qu'il faut aller si on ne veut pas devenir une victime de la situation, mais vers ce qui nous tient à coeur
- Avec souplesse, mais détermination sur la reprise en main de ce qui est nécessaire pour ne pas être victime de la situation... Ce n'est plus cette voile qui balance dans le vent qu'il faut reprendre en main pour avancer, c'est nos propres réactions qui nous surprennent, mais que l'on doit utiliser.
Si cette aventure maritime m'a servi d'expérience initiatique, l'expérience du Collectif La Nuée c'est toute une aventure humaine. Cette autre initiation est pleine d'apprentissages sur l'humanité des autres, ainsi que la sienne.
En ce printemps 2025, il y a de nouveau de la place dans le bateau. Vous êtes prévenus de ce que vous pourriez rencontrer. Qui embarque ?