Sous forme de questions/réponses ...
La Nuée renouvelée, c'est quoi ton truc?
Ce serait d'abord une proposition pour renouveler le fonctionnement de notre Collectif La Nuée, mais cette perspective est très incertaine, alors je pense aussi a des alternatives.
- définir un espace pour un fonctionnement relativement autonome au sein du Collectif,
- relancer le collectif sur de nouvelles bases si le Collectif actuel ne surmonte pas ses difficultés,
- inspirer d'autres dynamiques collectives qui ne seraient plus liées à l'actuel « Collectif la Nuée »
Pourquoi, d'où ça vient?
Cela vient de mon engagement dans le Collectif la Nuée.
J'ai constaté que le fonctionnement actuel de notre collectif est trop rigide, avec une gouvernance type coloniale de gens qui ne sont pas ancrés dans la vie sur place. Il faut changer ça pour développer une alternative vivante sur le terrain.
Qu'est-ce que tu veux alors?
Ma proposition porte ici sur notre fonctionnement, notre " gouvernance ".
Ce que je souhaite, c'est un fonctionnement plus fluide et convivial sur le terrain du collectif. Ce que je ne veux pas ce sont des personnes qui se croient légitimes à intervenir dans des activités auxquelles elles ne participent pas, et sans même en parler à ceux qui prennent soin des communs du collectif.
Tu rêves d'autres modes de fonctionnement alors ?
Oui, nous nous appelons « La Nuée », et cela m'inspire. J'ai déjà vu des nuées d'étourneaux et c'est extraordinaire. Je t'invite à regarder ce que c'est, parce que c'est beau, et t'intéresser aussi à voir comment ça fonctionne.
Il y a plusieurs caractéristiques intéressantes à noter:
- Le fonctionnement de l'ensemble est indépendant du nombre d'individus
- l'ensemble réagit à l'environnement, pour protéger les individus notamment en cas de menace et fait alors preuve de souplesse.
- Le collectif n'a pas de frontière, les individus ou les groupes peuvent s'associer, ou se dissocier les uns des autres sans conflits.
- chaque individu est influencé, et peut influencer ceux qui sont autour de lui.
- Il n'y a pas de chef qui dirige les autres.
Pas de chef ... mais nous, les humains, on a toujours des chefs !
Tu as raison, les groupes humains reproduisent des systèmes hiérarchiques avec une grande régularité. Et pourtant nous sommes nombreux, dans notre collectif en particulier, à dire que nous ne voulons pas de hiérarchie, et nous nous retrouvons tout de même dans ce genre de fonctionnement!
Je t'invite à regarder cette expérience d'intelligence collective : Peut-on s'organiser sans chef ?. Le modèle d'organisation avec des chefs se reproduit régulièrement, mais il y a une possibilité d'y échapper.
Ce que l'on peut en retenir :
- Ce n'est pas une question de personne. Si on enlève les chefs, d'autres chefs apparaissent, et le groupe fonctionne typiquement de la même manière.
- La possibilité d'une auto-organisation apparaît lorsque les règles du groupe ne permettent pas à certains individus d'en diriger d'autres.
- Le principe est que chacun fait ce qu'il y a à faire à chaque moment.
Donc, pour toi, on devrait changer nos règles de fonctionnement ?
Changer ou renouveler ... on se comprend. Quand nos règles permettent à certaines personnes d'en diriger d'autres, on devrait penser à les changer. J'aime cette idée que chacun fasse, à chaque moment, ce qu'il peut faire de mieux, compte tenu de la situation, de ses compétences et possibilités... En tout cas, j'aime travailler comme ça, c'est simple et ne prend pas de longues discussions.
Tu as l'air de savoir ce que tu veux et de savoir de quoi tu parles ...
Effectivement, j'ai une certaine expérience de consultant auprès des organisations. C'était au Mali, il y a plus de 15 ans. Va voir mon profil Linkedin, tu verras pourquoi je viens aujourd'hui avec des propositions construites.
Alors tu as d'autres choses à proposer ?
La résilience, l'entraide et la gratitude
La résilience -- l'entraide et -- *la gratitude * ... Cela va bien ensemble non?
- La résilience comme besoin fondamental face à la situation qui vient
- L'entraide pour y parvenir
- La gratitude comme récompense de l'entraide et lubrifiant des relations humaines
Il y a des modes d'organisation qui favorisent ces principes, je propose de les comprendre et de les choisir, avec la souplesse de revenir de nos erreurs.
La Résilience
Nous pouvons faire beaucoup pour nous préparer à faire face aux difficultés que nous voyons venir .
- au niveau individuel, par l'activité, le soutien social, le sens, l'humour, le partage, l'accueil de la communauté
- au niveau du collectif, par le développement de capacités logistiques et de compétences, l'engagement et la créativité des membres, l'ancrage dans la région et des partenariats ...
- au niveau global, par la participation a des activités citoyennes, sur les enjeux sociaux et écologiques
L'entraide
« Nous allons êtres amenés a nous entraider ou a nous entre-tuer »1 Choisissons clairement l'entraide. Je crois qu'il y a des modes de fonctionnement qui favorisent l'entraide, cela devrait être un critère fort pour évaluer et améliorer nos modes de fonctionnement.
Il y a, par exemple, un modèle de communication~2~ qui facilite l'entraide pour les projets et activités :
- dire ce que l'on sait ou comprend de la situation actuelle
- dire les intentions du projet, ce que l'on entreprend
- dire ce que l'on fait ou se prépare à faire
- oser parler des difficultés
- dire ce dont on a besoin (rend l'aide possible)
- Indiquer les prochaines étapes, avec les dates à retenir (prochaines réunions, étapes, évènements ...) .
Adopter ce modèle de communication devrait déjà faciliter l'entraide. Nous aurons peut-être à l'adapter ou l'améliorer. Acceptons que notre culture de l'entraide est imparfaite, efforçons-nous d'améliorer nos pratiques.
La gratitude
Par expérience personnelle, lorsque j'ai de la gratitude pour quelqu'un, même si cette personne fait quelque-chose qui me dérange, cela gratte moins. C'est un grand lubrifiant des relations humaines
La gratitude comme lubrifiant des relations humaines, c'est original ?
Effectivement je n'ai rien lu à ce sujet avant de découvrir que dans la vraie vie l'entraide produit de la gratitude, et que la gratitude facilite les relations humaines. Cela me semble assez évident pour vouloir mettre le principe en œuvre dans nos pratiques.
Et tu crois vraiment que tu viens d'inventer la recette pour le bonheur du monde là ?
Mon égo en serait flatté, c'est sur! C'est pas une raison pour oublier de nous inspirer de ce que d'autres ont déjà découvert. La littérature propose d'autres éléments qui facilitent les relations de coopération.
- La perspective de la stabilité de la relation. Lorsque les interlocuteurs savent qu'ils seront durablement ensemble, ils développent leur coopération. C'est comme cela qu'il y a eu des fraternisations entre ennemis (français, anglais, allemands) dans les tranchées au début de la guerre 1914-1918. Lorsque la relation perd sa perspective dans le temps, les comportements égoïstes reviennent.
- Les situations de catastrophe. Cela s'observe dans les tremblements de terres, les guerres et les situations extrêmes, les gens s'entraident. Comprenons que la situation s'aggrave aux niveaux économique, social, écologique... et tâchons d'y faire face en collaborant !
- Avoir un adversaire commun. Il existe même des politiques qui construisent un ennemi pour mieux rassembler le pays en interne. Si nous décidions de nous présenter ouvertement anti-capitalistes, il est possible que cela nous rapprocherait. Nous pouvons aussi, par principe, choisir de refuser cette notion d'ennemi, ou même d'adversaire.
- Avoir un projet en commun. En commençant par celui de vivre ensemble ...
Nous pourrions vouloir en tenir compte pour choisir nos modes de fonctionnement. Je ne prétends pas avoir des propositions exhaustives ni encore moins définitives. Nous devrions garder notre attention, prendre quelques moments de temps en temps, pour penser et améliorer nos modes de fonctionnement. Une forme d'hygiène quoi!
Dans le collectif, j'ai déjà entendu parler de certaines approches de gouvernance : sociocratie, opale ...
Oui, trop même! Pourtant je suis de ceux qui s'intéressent à nos façons de travailler ensemble. C'était le cœur de mon activité au Mali il y a plus de 15 ans, alors je vais te répondre un peu. On peut s'inspirer de ces modèles, ou d'autres, mais je n'ai pas envie d'en suivre un en particulier.
Nous avons commencé par nous inspirer de la sociocratie (et l'holacratie qui sont proches). Nous nous sommes répartis les sujets importants pour le collectif en « cercles » et nous constatons aujourd'hui que plusieurs ont mal fonctionné au fil du temps. Les personnes du cercle jardin n'y ont pas mis les mains en 2022. Le cercle des relations humaines n'a rien su faire pour dépasser la difficulté que des membres engagés avaient pour arriver à se parler. Le cercle entretien rénovation a cessé de fonctionner, découragé par la difficulté qu'il avait à demander les budgets dont il avait besoin.... Je crois que notre organisation est trop petite pour bénéficier d'une telle structuration, que cela nous freine et fige les tensions au lieu d'apporter de la dynamique. Par contre nous avons négligé l'idée de séparer les prises de décision opérationnelles de la réflexion sur nos modes d'organisation, et c'est probablement dommage.
Nous avons aussi parlé de « L'approche opale » de Frédéric Laloux. J'ai d'abord trouvé très coloniale sa manière de résumer l'histoire de l'humanité en une dizaine de modes de fonctionnements représentées par autant de couleurs, pour arriver au modèle préconisé. Et puis j'ai vu que Laloux est un ancien du cabinet McKinsey, ce qui ne m'incite pas à lui faire confiance. Pourtant, l'écovillage de Pourges notamment s'en inspire. L'idée que chacun dise " avise " de ce qu'il se prépare à faire aux personnes qui seront concernées semble pertinente. J'ai trouvé d'autres idées intéressantes pour notre organisation dans le résumé que Solange avait fait du livre 3.
Il y a aussi Jean-Michel Cornu dont j'ai beaucoup aimé le livre « La coopération, nouvelles approches »4 en 2004, pour aider les organisations qui faisaient appel à mes conseils au Mali. Les éléments à communiquer pour faciliter la coopération (ci-dessus) dans les projets en sont très inspirants. Son travail actuel5 porte sur l'animation de grandes communautés (au-delà de 100 personnes). Cela pourra nous être utile quand nous voudrons élargir et donner un rôle aux membres sympathisants, mais nous avons d'autres enjeux pour le moment.
Voilà, je m'intéresse aux idées issues de différents modèles, mais c'est le concret de la situation que nous vivons qui doit rester le centre de nos réflexions. On ne doit pas chercher à adapter les réalités aux théories que l'on voudrait suive, mais utiliser les théories là ou elles sont pratiques pour s'organiser dans la réalité que nous avons. Chaque collectif ou groupe humain a les siennes.
Je crois que tu as tout dit là!
Tout? Bien sûr que non, essaye de poser des questions plus précises sur un point que je viens de dire, tu me verras redémarrer! Mais pour aujourd'hui je crois que ça va ;-)
Un dernier mot?
J'espère partager mes expériences et réflexions avec des gens motivés pour inventer de meilleures façons de vivre ensemble et dans le monde, et participer à ces nouvelles expériences. Voilà, c'est ce que j'ai dans le cœur en ce moment.
Merci de ton attention,
Xavier Gillet
438-876-1674
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Yves Cochet ↩
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Jean-Michel Cornu, http://cornu.viabloga.com/texts/cooperation ↩
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Voir le fil de discussion « Libérer notre organisation » mon message du 30 Mars, page 10. ↩
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Disponible en licence libre http://cornu.viabloga.com/files/cooperation1_2.pdf ↩
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"le guide de l'animateur, une heure par semaine pour animer une grande communauté". Proposé en licence libre sur son blog http://cornu.viabloga.com/ ↩